Le Marquis de Pont-Calleck

     Le Marquis de Pont-Calleck dont nous nous souvenons, est Chrisogone-Clément de Guer, 3^è Marquis de Pont-Calleck. Son château se situait au cœur de la forêt de Pont-Calleck, près d'un grand étang creusé au XIII^e siècle, il dominait le Scorff, petit fleuve côtier de 78 km, prenant sa source à Saint-Auny sur la commune de Mellionec et se jetant dans la Rade de Lorient. Le domaine seigneurial s'étendait notamment sur les communes de Berné et de Plouay. Il ne reste actuellement que quelques vestiges du château, détruit pendant la Révolution, par les Gardes Nationaux de Guémené et du Faouët. Le « château actuel » a été édifié à la fin du XIX^e siècle et abrite un orphelinat. La forêt domaniale de Pont Calleck s'étend sur 542 ha.

     Chrisogone-Clément de Guer, fils aîné de Charles-René de Guer (chevalier, marquis de Pont-Calleck, compte de La Porte Neuve, baron des Aubrays, Vicomte de Tronchâteau), naît en 1679 à Rennes. Il sert dans l'armée royale pendant dix ans. D'abord en tant qu'enseigne dans le régiment de Bresse puis, pendant quatre ans, en tant que mousquetaire du roi (compagnie des mousquetaires « noirs » dénommés ainsi par la couleur de la robe de leur monture). Pendant les cinq ans qui suivent, Chrisogone est capitaine dans le régiment des Dragons de Bretagne. À l'âge de 26 ans, il quitte prématurément l'armée et revient sur ses terres. Ses affaires sont alors au plus mal (il avait notamment des dettes héritées de deux générations).

     À cette époque, et depuis le décès de Louis XIV en 1715, le Royaume de France est dirigé par Philippe d'Orléans. C'est la Régence. Le Régent gouvernera la France jusqu'à la majorité de Louis XV qui sera couronné en 1722. Dans l'Histoire de France, les périodes de Régence ont toujours été marquées par l'expression des frustrations, des mécontentements... du peuple (toutes classes sociales confondues). On peut notamment citer les révoltes des nobles sous la régence du Cardinal de Richelieu, avant la majorité de Louis XIII ; ou encore la Fronde lorsque Louis XIV était encore enfant.

     Sous la Régence de Philippe d'Orléans, alors que les mécontentements couvent depuis plusieurs années (pressions fiscales, atteintes aux privilèges et aux libertés...), plusieurs nobles bretons entrent en résistance contre le « pouvoir français ». Certains nobles, comme le Marquis de Pont-Calleck, rêvent d'une Bretagne indépendante, affranchie de la tutelle française mais également d'une Bretagne tout entière qui se soulèverait contre le pouvoir royal.

     En janvier 1719, la France et l'Espagne entrent en guerre. Au cours de l'année 1719,  Pont-Calleck et ses compagnons de révolte organisent des réunions secrètes dans les landes bretonnes ou dans les châteaux des sympathisants, ils font du trafic et du stockage d'armes... Le contexte socio-économique est tendu. À cause du prix du grain et des impôts, des émeutes éclatent dans plusieurs villes de Bretagne. Les nobles rebelles souhaitent profiter du mécontentement général. Jacques Hervieu de Mellac est envoyé en Espagne à deux reprises par le sieur de Lambilly afin de demander un soutien financier et militaire au roi d'Espagne Philippe V. Le 22 septembre, le Maréchal de Montesquiou, commandant en chef en Bretagne, ayant eu vent des différents aspects du complot, envoie un détachement de 300 cuirassiers pour investir le château du Pouldu où une partie des conjurés se sont réunis. Avertis de l'arrivée des troupes, Pont-Calleck et ses compagnons fuient se réfugier au château du Marquis. Ils y resteront du 23 au 28 septembre, date à laquelle ils devront à nouveau fuir pour échapper à un détachement du régiment Royal-Marine. C'est le début d'une errance de près de trois mois pour le Marquis.

     Le 28 décembre 1719, au matin, le Marquis est arrêté au presbytère de Lignol par l'un de ses anciens amis, le sieur de Mianne, lieutenant du roi au château de Nantes, accompagné de plusieurs dragons. Dans les jours qui suivent, d'autres compagnons du Marquis se rendent (le chevalier de Talhouët, les sieurs de Lambilly et de Montlouis notamment).

     Ayant été informé des proportions du complot et, entre autres, de l'entente des conjurés avec l'Espagne, le Régent décida qu'il fallait faire un exemple et, par la même, adresser un message fort à la Bretagne. Un tribunal d'exception est mis en place à Nantes. Le tribunal siège dans une salle du château de Nantes, du 30 octobre 1719 au 26 mars 1720. Chrisogone subira quatre interrogatoires entre le 3 janvier et le 7 mars. Le 26 mars, vers 15h, la sentence (sans doute arbitrairement décidée par le Régent) tombe : les accusés sont convaincus de crime de lèse-majesté et de félonie. Ils sont condamnés à avoir la tête tranchée. Ce 26 mars, vers 20h30, Monlouis, Talhouët, Du Couëdic et Pont-Calleck sont conduits sur la place du Bouffay à Nantes et exécutés. Le lendemain, seize autres conjurés sont exécutés par contumace.

     Si l'histoire du Marquis de Pont-Calleck vous intéresse, je ne peux que trop vous conseiller la lecture du livre Le Marquis et Le Régent – Une conspiration à l'aube des Lumières de Joël Cornette paru fin 2008 aux Editions Tallandier.